Georges-Isidore Barthe : premier journaliste de Sorel

Georges-Isidore Barthe. Source : Bibliothèque et Archives Canada/Mikan 3214745

Georges-Isidore Barthe. Source : Bibliothèque et Archives Canada/Mikan 3214745

Le premier journaliste de Sorel avait une plume qui ne manquait pas de verve! Georges-Isidore Barthe (1834-1900) a coloré l’actualité régionale pendant un quart de siècle, autant comme journaliste, citoyen impliqué et politicien. Selon le Dictionnaire biographique du Canada (DBC), il a été l’un des meilleurs journalistes du Bas-Canada du XIXe siècle.

Avocat de formation, il se lance dans le journalisme, en 1856, en participant à la fondation de l’indépendantiste Le Bas-Canada. Cette aventure tourne court, alors que le grand incendie de Trois-Rivières de 1856 détruit ses presses. Notre homme ne se laisse pas abattre et transporte plutôt ses pénates à William Henry pour y fonder le premier journal sorelois : La Gazette de Sorel. En plus de ces deux titres, il lancera le Sorel Pilot (1868–1877) – le penchant anglophone de la Gazette –, l’Ère nouvelle (1884–1885), le New Era (1885), l’Indépendance canadienne (1894–1896) et le Canadian Democrat (1895). Notons aussi qu’en 1874, il met la main sur Le Richelieu, propriété de son rival politique Michel Mathieu, mais il ne le produit jamais.

Gazette

Pour cet homme originaire de Restigouche, le journalisme ne tient rien de moins que du sacerdoce. À ses yeux, un journal doit faire plus qu’informer, il doit aussi éduquer[1]. Si sa publication précédente se voulait indépendantiste, le nationalisme de Barthe ne va plus aussi loin lorsqu’il débarque à Sorel. Cet extrait, tiré de la Gazette du 18 août 1869, décrit sa pensée politique de ses années soreloises, alors qu’il dit être « attaché avant tout à la conservation de nos institutions, de notre langue et de nos lois [2]». Le premier numéro de la Gazette de Sorel, lancé le 13 août 1857, indique clairement la priorité que constitue à ses yeux le développement de Sorel, alors qu’elle devient véritablement la ville-centre du comté de Richelieu : « Et qu’on ne nous reproche pas de viser de suite à la réalisation de trop grandes choses, car dans ce siècle où tout marche à la vapeur, Sorel et le District de Richelieu ne veulent pas rester en arrière et comme étrangers au progrès général ».

Étant donné sa vision du journalisme, du nationalisme et du développement de sa localité, il était inévitable que Barthe se lance en politique. De 1867 à 1876, il occupe le siège du maire de Sorel; de 1870 à 1872 et de 1874 à 1878, il représente le comté de Richelieu à la Chambre des Communes. Il est défait en 1872, 1878 et 1882. Ses défaites électorales et ce qu’il considère comme un manque de vision de ses concitoyens, le poussent, en 1880, à vendre La Gazette de Sorel : « M. Barthe, fondateur et rédacteur de La Gazette de Sorel, vient d’annoncer que, dégouté par la vénalité des hommes publics et l’absence complète de moralité et d’opinion publique, sacrifié par ses amis dans la contestation de l’élection de Richelieu, il se retire de la vie militante du journalisme pour se consacrer exclusivement à sa profession » (L’Opinion publique, 8 janvier 1880). En effet, le nom de Barthe disparaît de l’en-tête de la Gazette peu de temps après, alors qu’il la vend à d’autres intérêts. Jusqu’à maintenant, l’historiographie indiquait qu’il s’agissait du point final de cette aventure. Cependant, quelques lignes du journal Le Sorelois du 26 janvier 1883 nous apprennent que le shérif du district a vendu les propriétés soreloises de Barthe, dont la Gazette. Alors que ce journal ne semble pas publier de novembre 1881 à décembre 1882, Barthe en serait donc redevenu propriétaire durant cette période. Malgré cette vente, la mention « G.-I. Barthe » réapparaît sur l’en-tête de la Gazette, mais uniquement qu’en tant que rédacteur en chef. Elle y reste jusqu’au 6 mars 1883, après quoi on peut présumer que le journal cesse ses opérations. Puisque le DBC note qu’il retourne à Trois-Rivières, en 1882, il y a donc encore quelques mystères à éclaircir sur les dernières années de Barthe à Sorel. Au vu de ce parcours remarquable, espérons qu’un jour l’on puisse compter sur une véritable biographie du premier journaliste sorelois, qui nous en dirait long sur l’évolution culturelle et politique de la région de Sorel-Tracy.

Pour en découvrir davantage sur la Gazette de Sorel, voir : Sorel et Tracy, un fleuve, une rivière, une histoire, Société historique Pierre-de-Saurel, 2014, p. 228-232; 288-294.

*Texte publié à l’origine dans le Sorel-Tracy Express, le 11 décembre 2012. Il a été modifié pour cette publication et des informations importantes ont été ajoutées.

[1] Ibid.; André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, T. 1, 1764-1859, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973, p. 208.

[2] Ibid.

DANS LA MÊME VEINE :

« Les candidats indépendants »

« Émeute à Sorel! »

« Le prospectus de la Gazette de Sorel, 13 août 1857 »

« L’épidémie de 1874 »

 

Laisser un commentaire