Nouvelle publication : Lomer Gouin, entre libéralisme et nationalisme

details_l97827637299161

Radicale? Conservatrice? Simplement libérale? Plus de cent ans après son arrivée à la tête du Québec, notre connaissance de la pensée politique de Lomer Gouin repose encore sur des perceptions. Premier ministre de la province de Québec de 1905 à 1920, c’est pourtant sous sa gouverne que l’économie québécoise accentue son industrialisation et que l’urbanisation s’accélère. Coincée entre valeurs libérales et volonté nationaliste, la pensée politique de Lomer Gouin souhaitait la réussite collective des Canadiens français, mais en misant d’abord sur la formation de l’individu. Conscient des mutations sociales que subissait la société québécoise, il consentait à un rôle plus élargi de l’État, mais sans remettre en question le libre marché et les rôles sociaux occupés par les Églises catholique et protestantes. Connaître la pensée politique de Lomer Gouin, c’est comprendre la pensée libérale dominante du début du XXe siècle.

Mathieu Pontbriand, Lomer Gouin, entre libéralisme et nationalisme, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016, 150. Coll. : « Autour de l’événement ». 19, 95 $ ISBN : 978-2-7637-2991-6 (cliquez sur ce lien qui vous mènera à un extrait de l’introduction).

Choisissez le sujet de mon prochain passage à Pop et Rock, avec Myriam Arpin, à CJSO

Le 16 avril, à 11 h 35, je serai à nouveau à l’émission Pop et Rock, de Myriam Arpin, sur les ondes de CJSO (101,7 FM). Parmi les trois choix suivants, décidez du prochain sujet de ma chronique! Des idées pour mes prochains passages? Laissez un commentaire ou écrivez-moi à mathieu.pontbriand@gmail.com.

Des prisonniers de guerre à Sorel au début du 18e siècle

The Return from Deerfield (1897), de l'artiste américain Howard Pyle (1853-1911), illustrant Eunice, la femme de John Williams, aux pieds de Jean-Baptiste Hertel de Rouville, le commandant de l'expédition franco-amérindienne. Source : http://howardpyle.blogspot.ca/2010/11/return-from-deerfield.html

The Return from Deerfield (1897), de l’artiste américain Howard Pyle, illustrant Eunice, la femme de John Williams, aux pieds de Jean-Baptiste Hertel de Rouville, le commandant de l’expédition franco-amérindienne.
Source : http://howardpyle.blogspot.ca/2010/11/return-from-deerfield.html

La Grande Paix de Montréal de 1701, signée entre les Français et les Iroquois, établit une paix durable dans la vallée du Saint-Laurent et, en conséquence, pour le petit bourg de Sorel, jusqu’à la décennie 1750. Les Iroquois avaient été jusque-là des adversaires efficaces. Leur activité avait forcé les autorités françaises à ériger les forts de 1642 et de 1665, tout en menant à l’abandon du premier. Leurs attaques au cours des années 1680 et 1690 avaient aussi été particulièrement dures pour le développement de Sorel. Mais si à partir de 1701 les Iroquois ne remontent plus la rivière Richelieu, les Abénaquis, les alliés des Français continuent de la descendre pour s’attaquer aux colonies anglaises. Pour bien cimenter leur alliance, les autorités coloniales envoient des soldats et des volontaires avec eux, comme le rappellent les historiens Peter Gossage et Jack Irvine Little :

Au cours des années 1690 également, les Français s’assurèrent l’alliance indéfectible des Abénaquis en envoyant des militaires de carrière et des volontaires canadiens accompagner ces Amérindiens dans des incursions contre des fermes et des hameaux du nord des colonies britanniques. Ils répandaient la terreur, mettant le feu aux bâtiments, tuant un grand nombre d’habitants et emmenant plusieurs captifs vers le nord où ils étaient torturés à mort, échangés contre rançon ou adoptés[1].

De 1702 à 1713, la guerre de la Succession d’Espagne Lire la suite

Des esclaves à Sorel?

2013-02-11-06-25-43-chronique_esclaves_19-02-2013_sorel

« La seule différence entre l’esclave et la vache, c’est que le Panis [esclave amérindien] vaut cinq fois la vache[1]».

Voilà comment l’historien Marcel Trudel décrit la situation de l’esclave québécois du XVIe au XVIIIe siècle. Les mots sont durs, mais un esclave n’était effectivement rien d’autre qu’un bien meuble devant la loi[2]. Peu ancré dans notre mémoire collective – possiblement parce qu’il ne s’est jamais institutionnalisé comme chez nos voisins américains –, l’esclavage fait pourtant partie de l’histoire du Québec. Lire la suite

Georges-Isidore Barthe : premier journaliste de Sorel

Georges-Isidore Barthe. Source : Bibliothèque et Archives Canada/Mikan 3214745

Georges-Isidore Barthe. Source : Bibliothèque et Archives Canada/Mikan 3214745

Le premier journaliste de Sorel avait une plume qui ne manquait pas de verve! Georges-Isidore Barthe (1834-1900) a coloré l’actualité régionale pendant un quart de siècle, autant comme journaliste, citoyen impliqué et politicien. Selon le Dictionnaire biographique du Canada (DBC), il a été l’un des meilleurs journalistes du Bas-Canada du XIXe siècle.

Avocat de formation, il se lance dans le journalisme, en 1856, en participant à la fondation de l’indépendantiste Le Bas-Canada. Cette aventure tourne court, alors que le grand incendie de Trois-Rivières de 1856 détruit ses presses. Notre homme ne se laisse pas abattre et transporte plutôt ses pénates à William Henry pour y fonder le premier journal sorelois : La Gazette de Sorel. En plus de ces deux titres, il lancera le Sorel Pilot (1868–1877) – le penchant anglophone de la Gazette –, l’Ère nouvelle (1884–1885), le New Era (1885), l’Indépendance canadienne (1894–1896) et le Canadian Democrat (1895). Notons aussi qu’en 1874, il met la main sur Le Richelieu, propriété de son rival politique Michel Mathieu, mais il ne le produit jamais.

Gazette

Pour cet homme originaire de Restigouche, le journalisme ne tient rien de moins que du sacerdoce. À ses yeux, un journal doit faire plus qu’informer, il doit aussi éduquer[1]. Si sa publication précédente se voulait indépendantiste, le nationalisme de Barthe ne va plus aussi loin lorsqu’il débarque à Sorel. Cet extrait, tiré de la Gazette du 18 août 1869, décrit sa pensée politique de ses années soreloises, alors qu’il dit être « attaché avant tout à la conservation de nos institutions, de notre langue et de nos lois [2]». Le premier numéro de la Gazette de Sorel, lancé le 13 août 1857, indique clairement la priorité que constitue à ses yeux le développement de Sorel, alors qu’elle devient véritablement la ville-centre du comté de Richelieu : « Et qu’on ne nous reproche pas de viser de suite à la réalisation de trop grandes choses, car dans ce siècle où tout marche à la vapeur, Sorel et le District de Richelieu ne veulent pas rester en arrière et comme étrangers au progrès général ».

Étant donné sa vision du journalisme, du nationalisme et du développement de sa localité, il était inévitable que Barthe se lance en politique. De 1867 à 1876, il occupe le siège du maire de Sorel; de 1870 à 1872 et de 1874 à 1878, il représente le comté de Richelieu à la Chambre des Communes. Il est défait en 1872, 1878 et 1882. Ses défaites électorales et ce qu’il considère comme un manque de vision de ses concitoyens, le poussent, en 1880, à vendre La Gazette de Sorel : « M. Barthe, fondateur et rédacteur de La Gazette de Sorel, vient d’annoncer que, dégouté par la vénalité des hommes publics et l’absence complète de moralité et d’opinion publique, sacrifié par ses amis dans la contestation de l’élection de Richelieu, il se retire de la vie militante du journalisme pour se consacrer exclusivement à sa profession » (L’Opinion publique, 8 janvier 1880). En effet, le nom de Barthe disparaît de l’en-tête de la Gazette peu de temps après, alors qu’il la vend à d’autres intérêts. Jusqu’à maintenant, l’historiographie indiquait qu’il s’agissait du point final de cette aventure. Cependant, quelques lignes du journal Le Sorelois du 26 janvier 1883 nous apprennent que le shérif du district a vendu les propriétés soreloises de Barthe, dont la Gazette. Alors que ce journal ne semble pas publier de novembre 1881 à décembre 1882, Barthe en serait donc redevenu propriétaire durant cette période. Malgré cette vente, la mention « G.-I. Barthe » réapparaît sur l’en-tête de la Gazette, mais uniquement qu’en tant que rédacteur en chef. Elle y reste jusqu’au 6 mars 1883, après quoi on peut présumer que le journal cesse ses opérations. Puisque le DBC note qu’il retourne à Trois-Rivières, en 1882, il y a donc encore quelques mystères à éclaircir sur les dernières années de Barthe à Sorel. Au vu de ce parcours remarquable, espérons qu’un jour l’on puisse compter sur une véritable biographie du premier journaliste sorelois, qui nous en dirait long sur l’évolution culturelle et politique de la région de Sorel-Tracy.

Pour en découvrir davantage sur la Gazette de Sorel, voir : Sorel et Tracy, un fleuve, une rivière, une histoire, Société historique Pierre-de-Saurel, 2014, p. 228-232; 288-294.

*Texte publié à l’origine dans le Sorel-Tracy Express, le 11 décembre 2012. Il a été modifié pour cette publication et des informations importantes ont été ajoutées.

[1] Ibid.; André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, T. 1, 1764-1859, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973, p. 208.

[2] Ibid.

DANS LA MÊME VEINE :

« Les candidats indépendants »

« Émeute à Sorel! »

« Le prospectus de la Gazette de Sorel, 13 août 1857 »

« L’épidémie de 1874 »

 

375e de Sorel : on en discute à Gravel le matin!

Plaque commémorative du Fort Richelieu de 1642... avant qu'elle ne soit volée. Source : Wikimedia Commons

Plaque commémorative du Fort Richelieu de 1642… avant qu’elle ne soit volée. Source : Wikimedia Commons

En 2017, Montréal fêtera le 375e anniversaire de la fondation de Ville-Marie. Elle ne sera pas la seule à célébrer un 375e, à ce moment! La Ville de Sorel-Tracy aussi, mais elle célébrera quoi au juste? Le chroniqueur Hugo Lavoie, de l’émission Gravel le matin, à Ici Radio-Canada Première, m’a demandé mon opinion. Vous pouvez écouter l’entrevue  ici (émission du 12 janvier 2016)! Lire la suite

Un premier ministre du Québec aux racines soreloises : sir Lomer Gouin (1861-1929)

lomer_gouin_hr_fr

Lomer Gouin, s. d. Source : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3191941

Le nom de Lomer Gouin est quelque peu revenu dans l’actualité, au cours des dernières années. En effet, il est parfois associé au Plan Nord[1], car c’est lui qui a obtenu, en 1912, le transfert de l’Ungava, riche territoire en ressources naturelles, à la province de Québec. Mais saviez-vous que cet ancien premier ministre (1905-1920) possédait des racines soreloises? Lire la suite

Un prône de Noël (1863)

901412_636996333018755_981828885_o

Église Saint-Pierre, vers 2013. Source : Pascal Cournoyer

Au cours de la décennie 1860, le curé de la paroisse Saint-Pierre, Hilaire Millier, veillait au grain! Ses ouailles ne devaient pas manquer de respect envers le caractère sacré de la fête (et de la fameuse messe de minuit). Semblant craindre leur esprit festif, dont la réputation n’était plus à faire, il n’omettait pas de livrer lui-même ou par l’entremise de l’un de ses vicaires un avertissement ferme à l’approche du 25 décembre pour leur rappeler l’importance d’une conduite chrétienne. À l’occasion des célébrations de Noël qui approche à grands pas et pour vous remettre un peu dans l’ambiance d’antan, nous avons reconstitué son prône de 1863 : À la Veille de Noël, il y aura confession toute la journée, mais pas dans la veillée. L’église sera fermée depuis 6 h jusqu’à 11½ h, et il y aura un dernier coup de 11½ h à 4 h. Il ne doit pas y avoir de veillées, les maisons publiques et les auberges doivent être fermées. Rappelez-vous que c’est un jour de jeûne. C’est dans le silence et le recueillement que vous devez assistés [sic] à la solennité qui vous rappelle la naissance de Notre Seigneur Jésus Christ. S’il y avait des désordres nous serions forcées d’abolir cette messe.

Hilaire Millier est né à Contrecœur, le 26 février 1823. Il était le fils d’un cultivateur. Après avoir fait ses études classiques et théologiques au séminaire de Saint-Hyacinthe, il enseigne la philosophie pendant quelques années et occupe la cure de quelques paroisses avant d’être envoyé à Sorel en septembre 1861, où il reste jusqu’en 1875. Il décède en 1889, dans la ville de ses études, soit Saint-Hyacinthe. Son traditionnel avertissement du Temps des Fêtes était-il respecté? Disons que le respect devait probablement varier dans chaque famille… Dans tous les cas, il ne semble pas y avoir eu de tels débordements qui ont mené à l’annulation de la messe de minuit!

L’irrévérencieux révérend Scott et les débuts rocambolesques du protestantisme à Sorel

FreeImages.com/Hans Widmer

FreeImages.com/Hans Widmer

Les premières années du protestantisme à Sorel sont marquées par la présence d’un être particulier : Thomas Charles Heslop Scott (vers 1753-1813). Son biographe, Thomas R. Millman constate même qu’il « n’y a pas grand-chose de certain dans la vie [1]» de son sujet! Dans un autre document d’époque, Scott est qualifié de « personnage turbulent [2]». Il fait son apparition à Sorel en 1777, alors qu’il rejoint son régiment (le 34e), au sein duquel il est aumônier adjoint[3]. Cherchant à s’affirmer comme un leader spirituel, il trouve toutefois plusieurs embûches sur sa route, à commencer par l’animosité que soulève son attitude chez les autorités militaires. Lire la suite