Chanson d’un Sorelois sur le départ de ses fils à la guerre (1812)

Benjamin Sulte, l'homme qui a fait connaître cette chanson  au grand public.

Benjamin Sulte, l’homme qui a fait connaître cette chanson au grand public. (Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P1000,S4,D83,PS52)

Transcription d’un article portant sur un poème écrit par Pierre Beaupré sur le départ de ses fils et de l’un de ses gendres à la guerre de 1812 : Benjamin Sulte, « Une chanson de 1812 », Bulletin des recherches historiques, V/8 (août 1899), p. 237-238. Toutefois, au-delà de ces explications, rien ne nous certifie sa validité. 

 

Pierre Beaupré, ingénieur civil demeurant à Sorel en 1812, était père de dix-huit enfants, dont quatorze vivaient encore; trois filles : Marie-Anne, épouse de M. Gauvreau; Sophie, mariée à M. Poitras; Séraphine, mariée à M. Fortin; onze garçons : Pierre, Etienne, François, Joseph, Charles, Jean- Baptiste, David, Prisque, Alexandre, Amable-Édouard, Louis, sur lesquels dix entrèrent dans le service militaire en 1812; en plus, l’un de ses gendres s’enrôla également. Ce vide du foyer domestique paraît l’avoir préoccupé, avec raison, plus que tout autre, et le porta à composer une chanson qui n’a pas été imprimée, mais que l’un de ses petits-fils, résidant à Kingston, conserve avec soin parmi ses souvenirs de famille. Nous la donnons sans y changer un iota :

 Je suis père infortuné
D’une grande famille
Étant seul je veux chanter
Pour dissiper mes ennuis
De mes enfants délaissés
Secourant la Patrie
Tous au service du Roi
Les noms sont comme suit :

Pierre il te faut marcher
L’ainé des dix-huit
Les autres sont à l’armée.
Vole donc à leur suite
A la tête d’un convoi
Fait paraître ton zèle
Montre l’ardeur et l’exploit
Et sois leur modèle.

Étienne je vois passer
Sergents et quartier maitre [sic]
D’une brigade effarée
Dont tu te fais fête
Que Dieu conserve ta vie
Dans tous tes voyages
Fait frémir les Bostonnais
C’est là ton partage.

François mon troisième fils
Où donc est ta retraite
Est tu mort ou en vie [sic]
Que je suis inquiète
Ton courage pour le Roi
Sera comme je le crois
Et après la conquête
Tu seras récompensé.

Joseph ton besson
N’a pas le même avantage
Interprète des Hurons
Et des autres sauvages
Dans plus d’un endroit
Rencontrant des précipices
Il est fidèle à son Roi
Lui rendant des services.

Pauvre Charles si tu revient [sic]
Joindre ton vieux père
Jette ta caisse au fin fond
De la grande Rivière
Viens soupirer avec moi
Et conserve ta vie
Nous crierons vive le Roi
Quand tu seras guéri.
Pauvre gendre prisonnier
Un ancien capitaine
Officier de Sa Majesté
Oui je ressens de la peine
D’un vaisseau autrefois
Soumis à tes ordres
Exécutant les exploits
Tu obéissais aux ordres.

Jean-Baptiste son compliment
Six mois dans la milice
Six enfants t’as emmenés
Depuis à Morris Creek
Tous d’un joyeux entrain
En disant dans le refrain
Vive le Roi Vive le Roi
Je crois que je suis quitte.

David son compliment
Rendu à Kingston
Travaille aux bâtiments
Comme les autres hommes
En m’informant de lui
Aussi de ta famille
Sois fidèle au Roi
Le reste de ta vie.

Prisque aujourd’hui content
De quitter l’Acadie
Avec hardiesse il alla au camp
Pour y frapper l’ennemi
Il partit sans différer
Au service du Roi
Puis il revint en homme
Charpentier à Kingston.

Amable- Édouard est parti
Dans le mois de mai
A Kingston il se rendit
Charpentier de navire
C’est là qu’avec grande joie
El sans aucune crainte
Il marque les Bostonnais
Jusque dans leurs enceintes.

Cher petit Louis mon dernier
Ah que tu est jeune [sic]
Dans ta treizième année
On ta vu midshipman
A York on l’a vu dit-on
Avec beaucoup d’audace
Montrant ton hardiesse
Défendre ton canon.

S’ils revenaient tous vivants
Pour moi que de gloire
Je courrais vite au camp
Y chanter la victoire
Quoique passé soixante ans
Je partirais sans peine
J’aurais le commandement
Comme un vieux Capitaine.

Vous qu’on nomme grand guerrier
Lieutenant, Capitaine ou
Tout autre officier
Et gouverneur même
Pouvez-vous montrer
Dans tous vos domaines
Onze enfants dans l’armée
Combattant avec zèle.

L’auteur de ces couplets ‘mérite [sic] une place dans l’histoire de la milice du Canada, à côté de ses courageux enfants. Nous savons qu’il mourut en 1816. Il paraît avoir été le petit-fils de Pierre Beaupré, maître-serrurier aux forges Saint Maurice [sic], et, ce qui est plus curieux, frère ou cousin d’Antoine Beaupré, des Trois-Rivières, qui, se trouvant à Paris le 5 mars 1793, en plein sous le régime de la Terreur, prononça un discours, dans un café de la place du Louvre, où il prenait Robespierre à parti et déclarait que le meilleur gouvernement pour la France serait une bonne imitation du système de la Grande-Bretagne. Louis XVI étant mort sur l’échafaud, Beaupré demandait la restauration du Dauphin avec gouvernement constitutionnel. Il fut arrêté sur le champ et conduit à la guillotine.

Benjamin Sulte

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