Quel est le bon prix pour servir le peuple?

Une question importante a découlé de l’impressionnant développement que connaît Sorel durant la Deuxième Guerre mondiale par rapport à la démocratie municipale : les élus municipaux devraient-ils recevoir une rémunération? Alors qu’il en était encore à ses premiers pas dans le monde de la presse soreloise, Le Progrès du Richelieu y allait d’un oui catégorique à cette question…  dans la mesure où le coût envisagé n’était pas trop faramineux! 

Un salaire à notre conseil [Le Progrès du Richelieu, 19 janvier 1945, p. 1]

Responsabilités – Les cas particuliers du maire en France

Pour la bonne administration d’une ville, les représentants municipaux devraient-ils être rémunérés? C’est une question qu’on étudié [sic] depuis assez longtemps les contribuables d’un bon nombre de ville de notre province et c’en est une que mettait récemment sur le tapis, la Chambre de Commerce des Jeunes de Sorel.

Y aurait-il avantage à rémunérer  les membres d’un conseil municipal? Sans y répondre pour le moment, voyons les deux côtés de la médaille, les avantages et les désavantages de la suggestion.

Lorsque notre ville ne comptait que quelques milliers d’âmes, et que les problèmes municipaux se réglaient au cours d’une simple séance du conseil municipal, il n’y avait sûrement pas lieu de compenser le travail de nos échevins(1). Mais depuis que nous comptons au-delà de 15000 âmes, le travail du conseil municipal s’est compliqué passablement. Il arrive assez souvent que certaines obligations nécessitent en aucun temps la présence d’un conseiller en charge pour régler des problèmes qui d’ordre administratifs, qui de voirie, de police ou feu, obligations qui compromettent le travail du conseiller et le force à négliger ses propres affaires. Nous pourrions citer des cas.

Les membres du conseil municipal, et particulièrement le maire, sont astreints de plus à certaines obligations d’ordre civique qui les obligent à condescendre à différentes sortes d’invitations, de politesses, qui ne sont pas sans entraîner des obligations pécuniaires de leur part. Il n’y a pas de billets qui se vendent, de soirées qui s’organisent, sans qu’on sollicitent [sic] la collaboration financière aussi bien que sociale du maire ou des échevins. Et nous ne parlons pas des banquets, des organisations diverses, et souvent des invitations civiques venant de l’extérieur, politesses auxquelles le maire et les conseillers sont tenu par esprit de civisme de répondre, non sans les obliger pécuniairement d’une façon notable. L’on ne peut demander à nos dirigeants d’absorber sur leur budget familial, les dépenses auxquelles ils sont de la sorte contraints dans la régie de nos affaires.

De plus nous pourrions exiger de la part des membres de notre conseil municipal, plus de responsabilités qu’il nous est difficile de demander, quand ses hommes administrent à notre endroit les affaires municipales sans compensation et en plus de s’astreindre ainsi à ces obligations qui sont importantes, doivent y aller de leur propre finance. Bien tentendu [sic] ceux qui ont mis de l’avant cette question, ne parlent pas de payer des salaires fabuleux aux conseillers, mais simplement de compenser pécuniairement les charges et les obligations assez importantes lorsqu’accumulées, de nos représentants municipaux.

Par contre, nos hommes publics iraient-ils au conseil municipal pour le salaire ou la compensation qu’ils y recevraient, sans autre esprit de civisme? Nous ne le croyons pas, car ce n’est sûrement cinq cents ou huit cents dollars par année qui attireraient ainsi la convoitise d’un homme ayant assez de trempe pour se lancer dans la vie publique.

Les finances de la ville permettraient-elles d’ajouter sur le budget annuel un quatre à cinq mille dollars de plus? C’est une question que les échevins eux-mêmes pourraient régler. Il semble de toute façon que ce soit la seule objection notable qu’on puisse apporter au sujet de la rémunération partielle des membres du conseil municipal.

Nous pourrions ajouter de plus que la rémunération même partielle, infime, intéresserait davantage un plus grand nombre de nos hommes capables de remplir honorablement et d’une façon compétente, la tâche de conseiller ou de maire, en y voyant autre chose qu’une fonction propre à entamer les quelques économies qu’il s’est gagné.

(1) Il est quelque peu présomptueux de la part du rédacteur du Progrès de prétendre que les dossiers municipaux étaient si simple à régler avant le développement considérable que connaît la Cité de Sorel à partir de 1939. En fait, le véritable problème me paraît davantage être que le rôle de l’élu prenne de l’importance aux yeux de certains parce que la population augmente de façon notable. Des problèmes très sérieux pouvaient affecter la municipalité bien avant… Y a-t-il eu un laissez-aller de la part des élus ou une mauvaise perception de la part des électeurs? Probablement un peu des deux, selon les années et les membres du Conseil… Voilà un sujet de recherche qui serait fort intéressant!

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